vendredi 23 décembre 2016

28) CANTATE COSMIQUE


Dans les yeux de l’ombre

« Il fut, il y a des millions d'années lumière, un point vertigineux accroché entre l'oeil de l'infini et la mâchoire de l'éternité.
Et cette unique étoile, au firmament du vide, se prénommait Dieu.
Personne n'en témoignait. Elle baignait dans le néant. Son écharpe de silence tombait sur l'évanescence du rien et sa voix n'avait pas d'écho dans l'immensité du désert cosmique.
Et pourtant cette étoile, prélude à la dispersion, contenait déjà le chant des galaxies à venir, la vapeur de toutes les condensations du futur, la fantasmagorie géométrique des univers, l'encyclopédie chimique de la vie et tout le phosphore de la pensée humaine.
Lorsqu'éclata l'orage de la dispersion, l'unique, telle la fleur des fleurs, ordonna à son pollen de féconder les interstices bleus de l'espace et la spirale des escaliers du temps.
Et tout se mit à bouger sous les voûtes abritant la symphonie des atomes, la vie s'engouffra dans les plis d'une étoffe universelle au grand bal de Dieu. En cet instant, tout était suspendu au balcon du Verbe. Cette seconde d'aurore contenait le frémissement de tous les visages des choses à venir.
En cette étincelle, se tenaient blottis, le grouillement des cellules dans la vision de leur destinée, la polychromie de tous les spectres du végétal, l'incendie de tous les feux, la morphologie des galaxies en expansion, le sperme de toutes les fécondations en chaîne, le cri étouffé des oeuvres d'art et le germe sacré de tous les rameaux de l'arbre de vie.
A cette seconde où se déclenchait l'horloge du temps, la chute dans le multiple entonnait sa marche nuptiale avec le vide et le long cortège du couple des choses s'ébranlait dans le vestibule de l'Histoire.
Sur cette seule corde, toutes les variations des orgues des abîmes, sur un seul son, les bruits éternels des vagues, le chant de tous les amours, depuis la langueur des algues dans le lit des océans jusqu'aux caresses de tous les amants appelés à se féconder dans le ventre des argiles et l'alchimie des rêves.
J'entends ces poèmes encore enserrés dans la conque d'un seul mot, Les chants d'Homère, le cri du Golgotha, les rosaces crucifiées des cathédrales, les alcôves de glycine de la chambre de Mozart, la modulation des équations d’Einstein et tous les cris des ivresses se tenaient blottis dans le creux géant d'un seul atome.
Et le délire de l'univers s'est répandu jusqu'à nous, afin que je puisse ce soir, dans le firmament de ton regard, à genoux devant ton visage, m'arrêter à l’auberge de l'immense voyage. »

Michel Trécour

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20 juillet 2003 – Charlotte, Tippie et Capucine, promenade matinale à la Mare aux fées. Silence, beauté, mystère de la forêt enchantée. Première sortie en forêt de Tippie. Apprentissage de la laisse.
Visite au nouvel épicier du village: Tahar, un jeune Marocain. Il s'est installé dans un local offert par la commune et y prospère. Heureux de vivre, souriant, dynamique, entreprenant, travaillant en famille sans économiser son temps, il respire le bonheur, la gentillesse et la joie de vivre.
Depuis vingt ans, aucun Français ne se hasarde plus à tenir un petit commerce indépendant dans un village. Ce travail harassant, aux nombreuses contraintes, à la paperasse exigeante, très astreignant du point de vue horaire et à rentabilité incertaine n'intéresse plus les jeunes. Ils préfèrent toucher le RMI et exercer quelques petits boulots au noir.
Le village s'en trouve enrichi.
Cela me conduit à parler du travail. A dix-huit ans, en 1950, je pensais sincèrement que le travail était fait pour les cons et les vieux. Les vieux cons, surtout !
Je proclamais qu'il fallait goûter à tout tant qu'on était jeune. Découvrir le monde, voyager, vagabonder, séduire et conquérir toutes les filles que l'on pouvait, faire la connaissance de personnalités intéressantes, apprendre des tas de choses inutiles, chanter, jouer de la guitare, composer des vers de mirliton, voilà le but que devait s'imposer la jeunesse.
Le travail sérieux, c'était fait pour les vieux, les acharnés, ceux qui s'emmerdaient, les caves.
Comme je ne disposais pas d'une fortune personnelle, et que je laissai en plan mes études secondaires à la fin de la seconde sans remords ni état d'âme, il me fallut évidemment travailler pour subsister. J'ai raconté tout ça en son temps.
Ainsi, à Genève, au début des années cinquante, entre deux escapades à travers le monde, je travaillai tour à tour chez Coca-Cola, Vespa, Hofstetter Sports.
Dès que j'avais réuni cinq cents francs, je partais à l'aventure pour trois ou quatre mois.
Mon père Benz, il est vrai, m'envoyait toujours quelques subsides, par mandat postal, lorsque je me trouvais en rade. évidemment, je lui racontais des « craques" qu'il ne gobait pas forcément. Mais le père Benz était un homme profondément bon et droit, et je crois qu'il éprouvait une sincère affection pour son fils.
Moi, je la lui rendais très mal.
Je l'ai déjà dit, depuis que j'avais côtoyé des enfants de riches tant à Genthod que dans le home des soeurs Gangloff, à Rougemont puis à Château d'Oex, j’avais un peu honte de ma famille, de la situation médiocre de mon père et de mon beau-père.
A Genthod, je fréquentais Dominique Audéoud, Bernard, Laurent et Eliane Dominicé, Alain Perrot, Dominique Firmenich. Mais aussi Glaser le fils du boulanger de Bellevue, Éric Divorne le fils du cantonnier, Robert Loichot, Georges Dürr, le fils de la loueuse de bateaux du Creux-de-Genthod et Noverraz, le yachtman, qui, avec les Ylliam, remporta plusieurs fois le Bol d'Or et fut médaillé olympique.

35, rue Jacob
Juillet 2003 – C'est rue Jacob que je fis la connaissance de Jean-Pierre Boulogne, ami d'Antoine Beneroso qui faisait partie de la bande à Jean Commelin et Michel Trécourt.
Entre 1967 et 1971 je vécus dans mon mini studio du cinquième étage, 35, rue Jacob, repris et restauré grâce à quelques milliers de francs suisses que me donna ma mère, sans doute prise de remords de m'avoir spolié à la mort de son mari Emile Schweitzer qui m'avait adopté à la chambre des tutelles de Genève. J'ignorais alors que j'étais l'héritier de mon père adoptif au même titre que ma demi soeur Rose- Marie, mais que, par un tour de passe-passe notarial, je comptai pour du beurre lors de la succession.
Antoine me présenta Jean-Pierre comme son assistant, le Dr Boulogne.
Fin 1967 j'écrivais à la chaîne des romans d'espionnage pour les Éditions les Presses Noires.
Jacques et Pépée Boulogne demeuraient avec leur fils dans le XVe arrondissement. Le père, représentant en confiserie était un type merveilleux, d’un grand bon sens, aimant la nature, la marche en forêt, la cueillette des champignons.
Pépée, son épouse, une femme belle mince et nerveuse respirait le dynamisme et la joie de vivre.
Les Boulogne louaient une partie d'une vieille maison de village à Fleury-en- Bière, non loin de Fontainebleau.
Puis ils achetèrent une maison dans Bourron qu'ils restaurèrent. La Cave à Bin.
Fin 1968 début 1969, les Presses Noires étaient au bord de la faillite. La maison me devait pas mal de droits d'auteur en retard et puis, à la mort du père Benz, vers 1962, j'avais confié à Pierre Léopold et Guy Cécille, les patrons de l'affaire, les 5.000 f suisses, mon unique héritage.
Souvent, je proposais à mes amis éditeurs de changer de présentation pour leurs collections, de remplacer les tristes illustrations "populaires" un peu trop kitch à mon goût par des photos de couleur, présentant de jolies filles, Pierre Léopold me dit un jour:
- Puisque tu penses pouvoir faire mieux que nous, vas-y, réalise tes idées.
Fichu pour fichu, on va bien voir ce que tu vas faire !
Guy Cécille, fils de marchand de journaux, qui avait épousé la ravissante fille d'un riche Auvergnat, propriétaire de cafés-tabac bien placés et d'une riche et une importante "tournée de loterie" comportant une exclusivité de diffusion pour la région parisienne des billets des "Ailes brisées" et des "Gueules cassées, dégoûté par les difficultés et son peu de rentabilité laissa tomber l'édition, me refila quelques-unes de ses parts qui ne valaient d'ailleurs plus rien pour retourner à sa loterie.


 Je dénichai Serge Jacques, un photographe spécialisé en photos de filles sexy destinées à des magazines comme "Frou-Frou", 
“La Vie parisienne", 
“Sexy-parade", etc.


Nous remplaçons les tristes couvertures dessinées par des photos aguicheuses.






Puis, à côté de la collection d'espionnage, je crée une collection de romans policiers d'atmosphère, puis une collection de romans lestes, dont le contenu osé titillait la censure sans tomber sous le coup de "l'interdiction à la vente aux mineurs » qui eût tué dans l'oeuf notre petite maison d'édition.







Je changeai également d'imprimeur, confiant toute notre production à un compatriote, M. Schwitzguebel, propriétaire de l'imprimerie commerciale d'Yvetot.
Malgré cet essai de restructuration, les Presses Noires durent déposer leur bilan avec un passif de plus d'un million deux cent mille francs.
Antoine Beneroso m'avait présenté Michel Trécourt, un de ses amis du Phylum, conseiller juridique de profession qui aida Pierre Léopold à déposer le bilan de la société le "bon jour" et, si possible, de faire nommer un administrateur provisoire pour obtenir un concordat.
A cette époque, les Tribunaux de Commerce, comme beaucoup d'administrations publiques, étaient aux mains de charognards.
C'était le début de l'époque féroce de l'argent roi, de l'état voleur, de la toute puissance de l'entreprise tentaculaire d'oppression et d'exaction qui s'était abattue sur la France depuis la Libération.
Dès qu'un artisan, un petit commerçant ou un entrepreneur autodidacte se trouvait en difficulté, ruiné par la concurrence féroce des conglomérats, par des lois iniques imposées par des syndicats bolcheviks et un fisc devenu féroce, les vautours lui tombaient dessus, dépeçaient son entreprise, ne lui laissant aucune chance de se relever.
En quelques années, ces barbares réussirent à tuer le petit commerce indépendant, la liberté de travail de l'artisan, au profit d'usines monstrueuses, de multinationales de la distribution, de chaînes à succursales multiples ou de commerces franchisés, où l'état dévoyé et les syndicats pouvaient contrôler et oppresser de concert une armée d'esclaves salariés.
Ce fut l'époque tragique où dans un monde autoproclamé libre les communistes nationaux alliés de Moscou tenaient en otage à la fois l'état bourgeois, les institutions soi-disant démocratiques et l'intelligentsia.
Depuis 1945 un terrorisme intellectuel féroce régnait en Europe occidentale, préparant les nations demeurées indépendantes du joug soviétique à leur progressive et inéluctable soviétisation.
L'Allemagne fédérale échappa à ce carcan, les soviets ayant colonisé le tiers de son territoire en annexant l'Allemagne de l'Est.
Margaret Thatcher en libéra la Grande Bretagne, en Italie, la débrouillardise latine réussissant à miner le monstre froid de l'intérieur. Seule la France demeura sous son joug jusqu'à la fin du siècle, malgré l'implosion en 1990 de l'Empire des Soviets.
Mais je divague...
Michel Trécourt obtint que les Presses Noires fussent administrées par un Administrateur judiciaire ami, M.Delépine, qui facilita l'amerrissage en douceur et l'obtention d'un concordat. Une nouvelle société fut créée, Euredif (européenne d'édition et de diffusion) dont Michel prit la gérance, Pierre Léopold la direction commerciale et moi-même le poste d'expéditeur des affaires courantes, le bouche-trou en quelque sorte.
La société fut domiciliée officiellement chez une amie qui disposait d'un local commercial rue Bassano où elle fabriquait des abat-jour sur commande.


Michel Trécourt, la cinquantaine bien entamée mais avenante et distinguée, était un type remarquable. Un visage de séducteur aux tempes grises, il portait beau. Il avait un charme fou qui mettait toutes les femmes en transe, à ses pieds et lui valait un nombre incalculable de bonnes fortunes.
Marié à une femme patiente, sympathique, élégante, dont il avait trois enfants, Michel n'avait qu'un défaut: celui de dépenser sans compter et de vivre très au-dessus de ses moyens.
En fait, Mizzy son épouse, avait hérité une imposante fortune. Son père avait créé dans les années 20, aux Colonies, notamment au Maroc et à Madagascar, une importante entreprise qui devint les Salins du Midi.
La décolonisation imposa son repli sur la Métropole, mais la société y prospéra, occupant la vaste lagune entre Toulon et Giens, se diversifiant notamment dans la culture de la vigne et l'élaboration d'un petit vin rosé très apprécié.
Michel Trécourt, magnifique orateur, bouche d'or au timbre de bronze, était passionné par la politique où il souhaitait faire carrière. A la fin des années 30 et début des années 40, il milita dans des partis de droite, fonda des journaux partisans au ton vif, aux idées franches, mais à la destinée éphémère. Il côtoya et devint l’ami de quelques jeunes loups, futurs ténors du barreau comme Moro Gaffieri, François Mitterrand ou Tixier-Vignancourt dont il devint l'ami.
Sans s'être franchement impliqué dans la révolution nationale de Vichy ou la collaboration, il n'adhéra jamais aux mouvements de résistance.
A la Libération, il fit spontanément partie de cette élite aux idées de droite, maurassiennes et anti-dreyfusardes, qui essaya de réparer les pots cassés et de rassembler les militants dispersés par la victoire du communisme et la défaite de Vichy, méprisant de Gaulle considéré comme un traître à la patrie et à la nation.
Excellent juriste, disposant de solides relations, disposant librement de la fortune de son épouse, Michel Trécourt crut son heure venue lorsque la quatrième république se mit à craquer de toutes parts.



15 Août 2003 – Nous venons de vivre quelques semaines étranges. D’abord cette canicule qui perdure, avec des températures jamais atteintes depuis que la météorologie mesure les paramètres qui sont à la base de cette science.
En France, l'on recense plus de trois mille morts de personnes âgées, déshydratées, affaiblies par la chaleur. Le service des urgences débordé, les services mortuaires incapables d'inhumer... Les corps des victimes entassés dans des camions ou des entrepôts frigorifiques.


Dans mon atelier du faubourg, j'ai connu un pic de 39°. Ce qui est somme toute raisonnable en regard des 45 à 50 degrés éprouvés ailleurs.
Des centaines de milliers de poulets mourant dans les infâmes usines concentrationnaires que sont aujourd'hui les élevages de volailles. Des dizaines de milliers de porcs aussi...
Des forêts qui brûlent durant des jours et des semaines. Le Portugal qui part en fumée. Et, en Amérique, près de cent millions d'habitants, de New-York au Canada, victimes de la plus grande panne d'électricité jamais survenue.




30 Septembre 2003 – Pour la troisième fois en vingt ans Charlotte se trouve très mal, à vomir dans la cuvette des toilettes, à genoux, secouée de spasmes douloureux tandis que je soutiens sa tête, son buste, sans trop savoir que faire d'autre.
Une fois déjà dans le passé Charlotte est tombée dans les pommes et s’est ouvert le front, tandis qu'à l'étage en-dessous je préparais une bouillotte.
Capucine, inquiète, grimpe sur ses cuisses, la léchant pour la consoler, touchante...
Nous venons de passer un été brûlant. Le plus bel été de ma vie. La canicule associée au peu de communication entre voisins, à l'absence de services médicaux et hospitaliers en état de marche convenable, aurait tué plus de dix mille personnes en France. Trois mois durant le feu a ravagé des dizaines de milliers d'hectares de forêts tant en France qu'ailleurs. Au Portugal c'est encore l'horreur. Aujourd'hui la polémique gronde. La politique s'en mêle. Débat amusant et sordide entre incompétents et incapables.

*****

Le Bon Dieu doit bien rigoler...
Rêve magnifique "vécu" en direct, d'un épisode de la fin de l'empire soviétique.
Ô que la mort est belle, quand elle vient en chantant, en dansant !
Légère et souriante comme le printemps de Botticelli, couronnée de fleurs elle accourt, rompt sa trajectoire, évolue, repart, fait un tour, revient, énigmatique enchanteresse...
Dans la fosse d'orchestre les violons attaquent l'hymne à la joie.
Dans quelques instants, les mille milliards d'électrons qui me composent retourneront au pot commun. Quelques-uns renaîtront dans le parfum d'une rose, mille autres parfumeront une bouse. L'immense dépôt du meccano universel accueillera un à un les éléments désassemblés qui me quittent ou me fuient et repartiront dans la nature, au gré des besoins, pour les besoins de l’éternel recommencement des choses.
Pas de début, pas de fin, l'univers est en perpétuel devenir, en perpétuel retour sur lui-même. Je me sens partir vers un vide immense fluide et translucide…

18 décembre 2003 : RAB – La vie m'accorde encore quelques instants de bonheur: regarder Charlotte dormir, belle et émouvante, Capucine abandonnée sur sa poitrine; apercevoir dans la rue, au milieu d'une foule terne et laide quelques beaux visages d'hommes (rares) ou de femmes; écouter une symphonie ou un opéra; admirer un tableau d'un bon peintre; découvrir un livre, un poème que je ne connaissais pas.
Les vrais amis qui me restent. Ils sont nombreux. Hervé et Claude Deboutière. Patrick et Claudine de Givenchy. Emile et Janine Wicki. Fernande de Tamanowa et Hervé de Tamanowski. Pierre et Marie-Claude Traissac. Sylvie Dubal. Josy Verdier. Jacqueline Frédéric-Frié.

2004
2 janvier 2004 : Rêve – Nous nous promenons en bande au bord de la Méditerranée, sur une côte sauvage où le maquis déroule son tapis de buissons odorants jusqu'à la mer.
Il y a là Charlotte, François, Laure et leurs enfants, Babeth, Bassam et les leurs. Il fait beau, il fait chaud. Nous cherchons un endroit à l'ombre pour pique-niquer.
Voilà un cabanon providentiel abandonné ouvert aux quatre vents. A un moment donné, François va tremper ses pieds dans l'eau lorsque, d'entre les roches il voit un superbe crustacé remonter des profondeurs.
- C'est un gros homard, viens voir! me crie François.
Avec un bâton, il essaie de le ramener sur la berge. L'animal échappe à ses essais de capture. Je m'approche, c'est un énorme crabe, vraiment énorme, avec des pinces gigantesques. Il est rouge, couleur langouste cuite...
Je dispose d'un bâton à crochet de fer. J'harponne la bête. Je parviens à l'amener sur la rive. Ses pinces restent cramponnées à mon harpon.
Nous la traînons vers le cabanon.
– Comment allons nous le cuire ? s'interroge François.
En effet, la petite bâtisse abandonnée ne contient aucun instrument de cuisine.
En furetant partout, nous découvrons une grosse cuvette de métal, aux parois noircies.
– Chouette !
François va préparer un feu à l'aide de bois d'épaves ramassé sur la rive et dans le maquis.
Le crabe installé au fond de la bassine ne bouge plus.
– Comment le préparer ? On peut pas le découper vivant ?
– Nous allons le recouvrir d'eau de mer et le cuire à petit feu. Il ne souffrira pas...
Nous en étions là de nos réflexions et de nos préparatifs et entendions notre
bande rire et chahuter au loin dans le maquis. Soudain apparaissent trois randonneurs.
L'un d'eux, humant le feu, nous dit :
– Vous êtes fous de faire du feu par cette chaleur, vous allez provoquer un incendie ?
– Mais nous avons un gros "homard" – il n'en démordait pas – comment le cuire autrement que sur le feu...
– Rôtissez-le au soleil... C'est à ce moment précis que je me réveille.

22 janvier 2004 : Rêve – Je me trouve aux côtés de Frédéric, mon filleul. Nous avons en mains, lui une tronçonneuse, moi une machette. Derrière nous, un amoncellement de corps humains, enserré dans un filet de plastique bleu comme les sapins de Noël lors de leur transport.
Devant nous, une vaste citerne en béton à demi pleine d'eau.
Je débite les membres des corps à leurs jointures, Frédéric les tronçonne latéralement, aux genoux et aux coudes. Puis il tronçonne latéralement, séparant les têtes des bassins. Le filet élastique de plastique bleu se referme parfaitement sur les morceaux débités qu'une main invisible jette dans la citerne.
A un moment sonné, je m'attaque à un corps, sépare adroitement les quatre membres du macchabée et dit à mon filleul:
– Que c'est étrange de débiter ainsi son propre cadavre. En effet, le corps que je découpais était le mien.

Dimanche 25 janvier 2004 : Rêve – Sainte-Périne. Une journée sereine, ensoleillée, splendide, sans contraintes ni disputes. Frédéric et Nadia vont quitter Paris avec Edouard le magnifique et Aliénor la volontaire.

Mardi 27 janvier 2004 – Plus qu'un jour, deux jours, dix jours, un an à vivre. La fin approche, la fin est proche. Déjà paraît dans le ciel encore noir et pluvieux, la splendide aurore du néant.






Mardi 16 mars 2004 – En promenant Capucine, notre "biffin" attitré a offert à Charlotte un bouquet de jonquilles et de narcisses.





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