jeudi 22 décembre 2016

25) LE TEMPS DES FANTASMES - 2000.



1er JANVIER 2000 - LE BOGUE !!




Aucune trace du bogue annoncé. Les médias fantasmaient. Les spécialistes déconnaient à pleins tubes. Ils parlaient d'avions qui allaient s'écraser. De gigantesques pannes. De satellites scratchés.
L'année tampon entre deux millénaires a commencé entre une tempête remarquable et une marée noire sans précédent.

29 février 2000 – Visite impromptue de VV qui nous annonce qu'il quitte Mondial. Départ négocié. Je lui répète qu'il ne doit pas abaisser sa garde avant d'avoir touché son chèque.
5 mars 2000 – Réunion au 235 entre Joseph Sigward, son épouse, Elisabeth Piotelat, Marc sans Charlotte, partie en séminaire FLP. Projet de construction d’un site.
19 mars 2000 – La mort est proche, je le sens. Ce sera une autre forme d'être.
Une autre manière de rêver. Notre vie est un rêve. La mort un rêve éternel. Nous sommes des êtres virtuels.
Je n'aurai pas réalisé dans cette vie ce que j'aurais aimé réaliser: un beau livre.
D'autres l'auront fait à ma place. Mais le mien, je le sais, je l'ai vu, je l'ai lu, eût été magnifique. Un livre dicté par Dieu auquel je ne crois qu'une minute dans l'année.
Mais, aujourd'hui, les hommes qui ont inventé Dieu, l'ont cloné à l’infini... puisqu'ils prétendent que chaque homme est Dieu.
Dieu pourtant nous échappe encore, le mystère s'épaissit, le Fils de l’homme est un clone reproduit à l'infini.
Les hommes croient avoir atteint leur but, réalisé leurs rêves les plus fous ils créent de l'or à partir de rien. Et cet or a cours. Certaines actions valent cent mille fois leurs bénéfices. D'autres valent un million de fois leurs pertes.
Cet or virtuel ne représente plus une matière, un objet, un travail, une marchandise. Il n'est rien. Il n'existe pas. Il est virtuel. Il est un fantôme. Un jour prochain, un homme s'écriera : « le monde m'appartient. Je détiens la majorité absolue des actions circulant en bourse dans le monde. Vous tous êtes à moi. Les hommes, les bêtes, les plantes, les choses des cinq continents et des sept climats sont à moi... »
Mais le roi de l'univers ne le restera pas longtemps... Juste le temps de se proclamer roi...
En cette fin de siècle, de millénaire, d'ère, les étoiles et le monde tournent toujours à la même vitesse, mais les hommes, quelques hommes, sont devenus fous... 

Ah! j'aime cette folie de l'homme. Ce fragile titan qu'une goutte de poison dissout, qu'une balle de plomb abat, dont une lame transperce le coeur ou dont un caillot de sang obstrue les veines, un excès de graisse bouche les artères.


Les clones sont parmi nous
Ici et là, au Japon, en Israël, en Suisse, aux Etats-Unis, en Grande Bretagne, des équipes médicales ont réussi à cloner l'homme. Ces bébés identiques vagissent et grandissent sans mères dans des nurseries concentrationnaires... Des distributeurs automatiques les nourrissent de lait synthétique, des ordinateurs leur inculquent les rudiments de la science de demain... Ils ne jouent pas. Leur apprendre à jouer coûterait trop cher à la société qui les élève...





Donc, cinquante ans après que l'homme ait réussi à ouvrir les premières usines d'élevage, à arracher les veaux et les vaches à leurs prés, à enfermer des poulets et leurs poussins dans des camps de concentration pour animaux, où ils n'ont droit ni aux jeux, ni à la lumière du jour, où d'autres hommes parviennent à élever des huîtres dans des camisoles de force plastiques et des saumons dans des goulags à saumons..., voici que l'homme clone l'homme, et pas n'importe quel homme (cela reste un secret) mais un homme choisi, bien docile, bien probe, bien frugal, bien obéissant, au caractère un peu simplet mais doté d'un cerveau dont certains circuits neuroniques, spécialisés ont été hypertrophiés pour mieux servir les desseins évidents de leurs promoteurs. L'esclavage... Une usine d'esclaves.



Vieillir
12/04/2000 - Quelle merveille de vieillir. On se sent tout doucement devenir autre.
Il y a quatre ans, un jour, je compris que j'avais passé la ligne, lorsque, dans le métro, une jeune fille se leva pour me céder sa place.
Quel choc !
Planté debout, devant elle assise, je la regardais, souriant. Je la trouvais belle.
Une liane, un visage ovale de madone italienne, des cheveux blonds de suédoise, la perfection.
Me voyant la dévisager avec insistance, la jeune fille se troubla, et son visage de rose blanche devint rose. Moi, vieux beau, je faisais le joli coeur, je la désirais.
Pas une seconde je n'imaginais que j'étais ridicule.
Elle, par contre, ne pouvant imaginer un seul instant que je n'étais qu'un vieux satyre libidineux, se leva, pour me céder la place... comme une jeune fille bien élevée cède la place à une dame enceinte ou à une femme âgée!
Abasourdi, conscient soudain du malentendu, je lui souris encore, mais le rouge au front. Et la remerciai.
A cet instant je compris que j'étais vieux.
Je me sentis d'autant plus vieux que de nos jours, en cette époque socialo-anarcho-communo-capitaliste, où la politesse est devenue civilité citoyenne, personne ne cède plus la place dans le métro... Ni aux vieilles dames, ni aux femmes enceintes. Une époque où même les handicapés, les grands invalides et les cul-de-jatte sont obligés d'exhiber leur carte coupe-file pour obtenir une place.
Le privilège des vieux, c'est qu'on nous laisse enfin péter en paix. Plus besoin de se retenir, de se contenir. Et, chaque jour, le bénis le ciel de n'avoir plus à serrer les fesses par convenance ou politesse.



Eloge de la Vieillesse
24/04/2000 – Nous jouissons de moins de libertés essentielles que jadis... hier.
La mafia étend ses tentatcules jusque sur nos vies privées.
Le travail qui était un droit absolu, inaliénable, ne l'est plus.
L'état bureaucratique empêche les hommes de travailler librement, de choisir leur employeur et d'obtenir une rémunération juste sans une paperasserie épouvantable.
Bien sûr le travail au noir existe, il est même florissant. Mais un honnête et libre citoyen ne peut y recourir sans tomber sous le coup de la loi, entrer dans l'illégalité.
Ces lois scélérates qui encadrent et limitent le travail ne sont là non pas pour protéger les faibles, les vulnérables, mais pour protéger les canailles syndiquées, les bras cassés, les paresseux qui forment la majorité des téléspectateurs, des électeurs… des crétins.
M. Jospin a avoué un jour en toute innocence, que lors de sa traversée du désert, il avait perçu des indemnités non déclarées ...
24/04/00 - Les êtres et les choses m'ennuient vite. Instantanément, ou en quelques minutes, une heure au plus, il me semble que j'en ai fait le tour. Ils ne m'apportent plus rien. J'en ai pris l'essentiel. Je suis un type dangereux. Je prends et ne donne rien.
La tragédie de la bouteille. Il y a vingt ans que je ne fume plus. Je bois. Le problème est le même. La dépendance.
Chaque jour je décide d'arrêter de boire. J'appel à l'aide tout ce que j'ai sous la main la raison, ma volonté, l'expérience (quand, par miracle je tiens dix jours sans boire je me sens beaucoup mieux), l'amour que je porte à Charlotte, mon ange-gardien…
Rien n'y fait... Quand j'ai du vin sous la main, je le bois. Quand je n'en ai pas, j'attaque l'alcool...
Ah! les promesses que l'on se fait en se couchant. Les promesses de l’aube... A midi, plus rien ne tient.

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Ma vie devient rêve
28/04/00 – Rêve étrange. Nous nous trouvons avec Michel Trécourt dans un vieux café dans le quartier du Palais Royal. Les serveurs solennels sont vêtus à l'ancienne de gilets noirs et de longs tabliers blancs.
Sur la longue table centrale qui sert tantôt de desserte, tantôt de buffet, de longs et pâles croquemorts amènent un corps exsangue qu'ils allongent sur la vaste table centrale. Tout dans le rêve paraît démesuré dans le sens de la longueur, de la hauteur...
Dans le quasi cadavre Michel et moi reconnaissons François Mitterrand.
Nous assistons alors, fascinés, à une scène curieuse.
Deux immenses et solennels huissiers de l'Assemblée Nationale viennent découper la tête du Président, et la déposent sur un socle de marbre où elle se fige, hiératique, tel un buste de cire.
Puis les deux gus sortent d'une mallette une tête identique à celle qu’ils viennent de décoller, un peu plus pâle peut-être, plus émaciée, parcheminée, qu’ils cousent sur le buste allongé avec du fil blanc à l'aide de grandes aiguilles d'or.
Leur travail accompli, ils aident le Président à se relever, – ce qu'il fait avec une très grande aisance et un naturel prodigieux – puis s'éloignent.
François reconnaissant son complice et ami Michel assis en face de moi, se dirige vers lui, tout petit, très droit, la main tendue.
Les deux hommes s'embrassent et le Président sans me porter la moindre attention, s'assoit à côté de moi sur la banquette de moleskine rouge.
Subjugué par cette scène, je fixe le profil de cet homme et découvre avec un étonnement grandissant la trace rosâtre de la dernière opération et vois, comme dans un fil accéléré, le fil noir de la suture s'agiter dans tous les sens comme un ver, avant de se résorber puis disparaître.
Le Président se tourne alors vers moi, penche légèrement la tête et murmure, de sa bouche curieuse, son inimitable sourire aux lèvres:
- Allons ! Allons ! Tu penses tout haut ! Vide ton sac, qu'est-ce que tu me reproches ?
- Qu'as-tu fait des deux cents milliards de francs que t'a remis personnellement le roi d'Arabie croyant les prêter à l'État français ?
François rapprocha son visage du mien, si près que je sentais la chaleur qui émanait de lui, que je distinguais sa peau grumeleuse, tachetée, malsaine.
Je vis plutôt que je n'entendis ses lèvres murmurer en grec ancien:
- Faveur de roi, plaisir de prince !
Cependant que sa main gauche aux doigts en forme de serre me serraient fortement le genou.
- Allez nous chercher un Dupré ! cria Michel Trécourt de sa voix de bronze à un garçon empressé, mon ami ne comprend pas...
- On apporta rapidement l'ouvrage sur la table.
Je feuilletai rapidement le gros volume et y découvris la formule…
En levant la tête, je remarquai que l'on avait déjà placé la tête parcheminée du Président sur son socle, dans une niche réservée à cet objet.
Un instant plus tard, j'emportai le Dupré à bout de bras, serré entre le pouce et le médius de ma main droite. Je le portait en face du bistrot dans une vénérable bibliothèque toute en hauteur...
De part et d'autre du comptoir sculpté derrière lequel trônait un non moins vénérable et solennel conservateur, s'élevaient jusqu'à la voûte des rayonnages superposés de chêne clair. Sur chaque retrait de ces bibliothèques qui formaient des marches, se tenaient telles des cariatides des bibliothécaires en longues jupes.
Déposant le Dupré sur le comptoir, je vis le conservateur me faire un signe du pouce en direction de la droite.
Je me dirigeai au pied de l'immense bibliothèque à ma droite. Les jeunes bibliothécaires étaient plutôt jolies et mon regard égrillard s'égara sans rien voir sous leurs longues jupes.
Curieusement, je reconnus en l'une d'elles un garçon travesti qu'il me semblait connaître depuis toujours. Il me fit un clin d'oeil de connivence.
L'une des jeunes femmes se pencha vers moi, tendant une main blanche, allongée, magnifique, désespérée, vers le gros livre que je portais à bout de doigts.
Elle se pencha tellement, défiant absolument les lois de la pesanteur, que je pris peur pour elle. Je me haussai le plus que je pouvais sur la pointe de mes pieds.
Le coeur serré, je m'attendais à voir d'une seconde à l'autre la jeune femme tomber.
Enfin, les jolis doigts d'albâtre saisirent le Dupré et le ramenèrent lentement, solennellement, à son emplacement.
C'est à cet instant que je me réveillai.


Isidore Isou


Isidore Isou effectuait chaque matin une promenade de santé dans le Jardin du Luxembourg.
Isou demeurait non loin de là, rue Saint-André-des-Arts, dans un petit appartement étroit envahi par les livres, les objets-souvenirs, les tableaux et gravures, ainsi que des dossiers éparpillés.
Cette promenade quotidienne, dans laquelle il entraînait confrères, éditeurs, journalistes, amis, consistait à marcher à petits pas précis sur le dallage des allées selon un circuit géométrique à travers le jardin.
Il ne sortait jamais de cet itinéraire, ne débordait jamais une seule dalle de l'allée, n'empiétait sous aucun prétexte sur le sable, le gravier ou le gazon qui eussent souillé ses chaussures.
Sa conversation était certes passionnante, mais le strict et rigoureux déroulement de ce périple empêchait mon esprit d'en saisir toutes les subtilités.
Ainsi, un jour où nous effectuions ce parcours initiatique, nous avons croisé François Mitterrand qui demeurait non loin de là, rue Guynemer.
Je garde trois souvenirs précis de ce personnage hors du commun : Le premier lorsque, un jour, j'accompagnais Isou au Luxembourg dans sa promenade exactement structurée nous croisons le futur Président, marchant méditatif, les mains dans le dos, le long de la haute grille donnant sur la rue où il demeurait.
A quelques heures de là, j'appris par les gazettes la tragi-comédie du faux attentat dont il venait d'être victime.
La seconde fois, je rencontrai Mitterrand à Chalo-saint-Mars, chez mes amis Trécourt. Soirée faste, inoubliable, au cours de laquelle les deux complices firent assaut d'humour, de bons mots, de friandises d'oreille, relatant de fabuleuses anecdotes devant le gros et sot auditeur béotien que j'étais.
La dernière fois, tout à fait par hasard, rendant visite sans prévenir à mes amis Trécourt rue Chernoviz, j'y rencontrai François Mitterrand en compagnie de sa maîtresse.
Lorsque je repris Les Presses Noires en faillite avec Michel Trécourt, Isidore Isou tirant toujours le diable par la queue, me confia quelques ouvrages à rééditer.











Je publiai Les Démons me déchirent puis, dans la Collection Aphrodite que je venais de créer La belle Roumaine et le Vice des anges.





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Aïe… Diabète et cholestérol
29/04/2000 – Il y a une semaine, j'allai voir mon médecin, le Dr Dan Baruch. Charlotte avait pris rendez-vous. Les analyses et les examens récents avaient révélé un taux trop important de sucre et de cholestérol dans mon sang, ainsi qu’une tension excessive.
Le docteur me prescrivit deux médicaments.
Docilement, je les achetai et, après une semaine de réflexion, j'arrêtai de boire du vin, je me soumis à un régime alimentaire acceptable non prescrit, et pris ma première gélule de Lipanthyl.
Mal m'en prit. Je fus malade comme un chien. D'ailleurs, pour la première fois de ma vie j'écrivis une lettre à mon docteur. J'en ménageai les termes.

Cher Docteur,
Suite à ma récente visite à votre cabinet, j'ai commencé après les fêtes de Pâques, soit mardi 25, le traitement que vous m'avez prescrit.
Si j'ai bien toléré les deux prises de Renitec, les deux prises de Lipanthyl, par contre, m'ont "secoué".
Deux soirs de suite, une demi-heure après avoir avalé la gélule (au début du repas), j'ai été pris d'étourdissements. Durant la première nuit je sentais des fourmillements dans tout le corps, que mon sang « chauffait", sensation que tout tournait autour de moi, difficulté à m'endormir, et une autre sensation inhabituelle telle que "lèvres gonflées et frémissantes », "vision floue" donc impossibilité de lire. Le premier matin, tout semblait rentré dans l'ordre.
La nuit dernière, ce fut presque pareil. Je dus m'allonger dès la fin du repas. Mêmes sensations d'étourdissement, mais j'ai très bien dormi. Ce matin l'impression d'être dans le brouillard, pas très sûr sur mes jambes, persistait. Je précise que je n'ai bu ni vin ni alcool depuis lundi soir et mangé très légèrement.
Peut-être ces réactions sont-elles normales ? Voulez-vous avoir l'amabilité de me le dire.
Dans cette attente, je vous prie de croire, cher Docteur, à mes sentiments dévoués.  M.S.

Hier soir, je n'ai pas repris de cette drogue. Il il me semble aller mieux, en tout cas je me sens bien. Je sais que dans dix minutes ou ou au plus tard en l'an 2150, je ne serai plus là pour relater mon rêve.
30 avril 2000 - Bourron-Marlotte. Je ne retrouve pas la carrière de sable… J’ai tenu 5 jours. 120 heures...
9/05/2000 – Rêve - A propos des rêves, j'ai observé qu'entre l'instant précis où l'on rêve et le moment où on l'écrit, le rêve s'est déjà transformé en "souvenir" qu’on a de lui. L'appareil pour photographier un rêve n'a pas encore été inventé.
Vendredi – J'ai reçu un coup de fil de Claire, du Celf. Elle me demandait de combien d'ouvrages, de l'Aloès, plante magique, en langue russe, nous disposions. Ils avaient une demande d'un client allemand.
Lundi – Cette nuit je fais le rêve suivant : Je suis convoqué par une firme de banlieue pour leur présenter mon livre Aloès la plante qui guérit.
J'y vais et je me rends compte qu'il s'agit d'une entreprise vieillotte mais importante. En cheminant vers les bureaux, ma sacoche à la main, je suis dépassé par des dizaines d'employés pressés se rendant à leur travail.
Je remarque qu'ils sont tous bien habillés, les femmes en tailleurs ou en robes élégantes, les hommes en costumes cravate ou en blazers.
L'allée qui conduit vers l'usine et les bureaux devait être très belle autrefois.
Plantée de platanes en moignons (ce qui signifie que mon rêve se déroule en période hivernale), est spacieuse. Un peu défigurée par des rails, des allées et venues de camions, des monceaux de marchandises sous plastique dont je ne peux discerner la nature.
J'arrive sous une espèce de vaste véranda/auvent adossé à un bâtiment ressemblant à une antique et solennelle gare. Là, quelques bureaux à l’ancienne sont disposés sans ordre, surmontés de téléphones à écouteur, sur pied, qui feraient le bonheur d'un collectionneur.
Une jeune femme plutôt jolie m'invite à m'asseoir et sans que j'aie à lui faire part de l'objet de ma visite me dit :
– J'appelle M. Durand, c'est lui qui s'occupe de cela.
M. Durand survient de nulle part, la main tendue, un vaste sourire illuminant son visage rond, et me dit : – Voyons cela.
Je tire de ma sacoche noire un objet poussiéreux, sale, rectangulaire, ayant la forme d'un livre.
Je ressens une gêne visible pour mon interlocuteur.
– Ça ne fait rien. C'est le contenu qui compte.
J'éprouve une peine immense, désespérée pour extirper l'ouvrage de ma serviette de toile avant de le lui remettre.
Il le feuillette, J'éprouve une forte angoisse. Je distingue les annotations et les ratures entourant le texte, les taches de vin et de graisse de ce torchon.
M. Durand me le rend.
– C'est exactement ce qu'il nous faut. Vous m'enverrez la bonne édition.
Sans savoir comment, je me retrouve dans un lieu couvert mais toujours en véranda donnant sur un vaste parc un peu à l'abandon mais qui a dû être fort beau.
Palmiers, arbres exotiques, massifs négligés, statues recouvertes de mousse.
Et, comme dans l'allée, des entassements de marchandises bâchées encombrent les allées romantiques et désertes où je vois picorer des poules.
Au loin, un étang où cancanent des canards en rut et où voguent hautains et souverains, des cygnes...
Il y a là, autour de moi, la dame de l'accueil, M. Guy de la Poterie, M. Durand, quelques conseillers sévères entourant le PDG de l'entreprise, un homme décontracté, en tenue de week-end, chemise kaki à col ouvert, blue jean.
M. de la Poterie et le PDG entretiennent une conversation dont le sens m'échappe. Mais je ressens une certaine gêne. J'ai la sensation que M. de la Poterie a tort. Mais je ne saurais expliquer pourquoi. Car je n'entends pas ce qui se dit. Durand, me tapote familièrement le genou et me chuchote à l'oreille.
– Allons, ça ne fait rien. Je m'occupe de tout. Et il s'en va.
Nous nous trouvons dans un vaste réfectoire aux murs blancs, austère, monacal, à la table garnie de salades, de légumes de crudités et de cruches d'eau.
A la fin du repas qui s'est déroulé en silence, la table desservie et repliée comme par enchantement, j'assiste médusé à une scène étrange.
Tandis que la plupart des employés remontent lentement un escalier raide qui accède à un couloir en loggia, défilant solennellement pour aller je ne sais où, une vingtaine d'entre eux, pour la plupart des jeunes, s'assemblent autour d'un piano.
Leurs collègues partis, quelques-uns s'assoient dans l'escalier.
Le PDG débonnaire me fait un clin d'oeil en s'installant au piano et entonnant joyeusement en anglais un chant religieux repris en choeur par l'assistance.
La gracieuse hôtesse qui m'accueillit tout à l'heure, m'invite à chanter, en me glissant quelques mots à l'oreille:
– Vous savez, nous faisons partie d'une secte. L'entreprise n'est qu’un paravent, un outil de travail précieux pour subvenir à nos besoins. Allez donc chercher la bonne édition de votre livre. Je vous passerai une grosse commande. Je vous prête ma bicyclette.
Et me voilà parti sur le vélo, cahotant sur des routes pavées en dos d’âne sillonnant de désespérantes friches industrielles désertes.
Je me sens perdu dans cet enchevêtrement de bâtiments abandonnés où la végétation sauvage et les herbes dites mauvaises reprennent leur droit.
A l'instant où, remontant à grand peine un raidillon dont les pavés disjoints tentent de retenir les pneus de mon vélo, mes yeux aperçoivent non loin de là, une route à la chausse lisse et goudronnée dont la vue balaie mon angoisse et me soulage instantanément.

Je me réveille. Charlotte est là avec le plateau du petit-déjeuner et me tend une tasse de café-au-lait fumant et odorant.

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Réminiscences
20 août 2000 – Tout s'émiette, s'effrite, se ridule. La vie s'amenuise, les dents branlent, mon dernier bridge aux volutes d'acier prévu pour de nouveaux désastres ne maîtrise plus la situation.
Dans la rue, je titube pris de vertiges. Je marche lentement. Ma vue se perd dans la brume, bientôt je vivrai dans le brouillard, puis viendra la nuit. Mon esprit aussi vagabonde, se disperse, batifole. Chaque matin, à mon réveil, je constate les ravages. En moi mon Alzheimer s'avance, les prions ravagent mes neurones, j'assiste en observateur gourmand au strip-tease de mon corps, à sa décomposition.
Ma peau se squame, se fendille, bientôt elle ne me contiendra plus.
Et cette déchéance programmée n'est pas encore douloureuse. Elle reste douce. Nostalgique. Le désir est là, mais je ne bande plus. L'amour est là mais le désir se dissout. Il me reste la pensée, le vin et l'écriture.
Au fond, beaucoup de commandes ne répondent déjà plus. Je retrouve en moi-même cette sensation étrange que devait éprouver de Gaulle en Mai 68, lorsque une à une les commandes de l'état foutaient le camp, lorsque la société autour de lui se délitait. Toute l'intendance fondait sous ses doigts et il n'avait plus de pouvoir sur rien. Son Verbe même, sa voix forte, venue d'ailleurs, du fond des âges, sa voix de jadis ne portait plus. Bien sûr, il avait la police, l'armée, les CRS qui, sur un ordre eussent bougé. Mais il n'osa pas appuyer sur le bouton et faire rentrer les choses dans l'ordre par la force. Et il a bien fait. Il alla consulter Massu à Baden-Baden. Que se sont-ils dit ?
Peut-être le saura-t-on vraiment un jour.
Il est certain que cette visite de grand chef à sous-chef représente le tournant de la crise, la fin d'une époque. De Gaulle rentra à Paris et une nouvelle ère débuta.



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Ce fut Mai 68.
Le retournement fut amené par la radio et surtout par la télé. Le rôle de la radio dans son déclenchement fut primordial. Je me souviens encore des émissions en continu d'Europe N° l dont les reporters dispersés sur le terrain rapportaient à leurs auditeurs, le déroulement des événements minute après minute, comme en d’autres circonstances ils commentaient les matchs de foot-ball.
C'était excitant. Je demeurais alors rue Jacob, au 6e étage du 35. De mon balcon je voyais le rougeoiement des incendies au-dessus des toits et j'entendais les claquements assourdis des grenades lacrymogènes. Derrière moi, du poste à transistors, le commentaire radiophonique était dramatique.

Barricade - Mai 1968

J'assistais à la Guerre de Troie... Paris était à feu et à sang. Des bruits invraisemblables couraient, relayés par les médias. Fin mai, l'appel de quelques notables à manifester leur soutien à De Gaulle, fit ricaner les commentateurs.
Pourtant, l'immense et fantastique rassemblement sur les Champs-Elysées des gens simples sonna la fin de la récréation et remit la France au travail. Cette révolution d'opérette qui fit au plus deux morts, même pas du fait de la police, se révélera pourtant immense.
Pour la première fois ce n'étaient plus les armées et la police qui faisaient l'histoire, mais les médias. La force soumise au verbe.
Il suffisait d'un appel entendu de toute la France pour que des millions de personnes descendent pacifiquement dans la rue et balaient la chienlit.
Depuis cette date, les guerres ne seront plus les mêmes. Elles se feront à la télévision. Malraux, en 1958/60, de sa voix éraillée, avait déjà appelé les Français à descendre dans la rue pour soutenir et aider de Gaulle.
Une voix bien placée, une voix relayée, répercutée, propulsée à travers les médias pouvait désormais changer la face du monde.
Staline, lorsqu'on lui parlait du Pape demandait ironiquement: le Vatican, combien de divisions?
Eh bien, moins de quarante après sa mort, le communisme s'écroula grâce à la voix d'une poignée d'hommes courageux dont le pape Jean-Paul II, l’écrivain Alexandre Soljénitsyne, le physicien Andreï Sakharov et le violoncelliste Rostropovitch.
Mais, comme l'enseigne le Yi-king, tout événement engendre plusieurs possibilités, de la pire à la meilleure.
D'un grand bien peut sortir un grand mal et le pire des maux peut amener le plus grand bien.
Aujourd'hui, pour diriger, pour conquérir, pour asservir les esprits et les peuples, il faut savoir communiquer. Un seul homme, une seule voix à qui l'on offre le micro ou qui le saisit à point, peut transformer le monde.
Nous avons balayé l'aristocratie pour mettre en selle la bourgeoisie qui par son libéralisme amena la démocratie. La démocratie et l'état de droit sont devenus la médiocratie, l'état voyou et l'état voleur, l'état de non-sens.
Puis il y eut la télévision. Un outil de communication admirable qui devint, au fil des ans et des manipulations, l'arme d'oppression la plus fantastique de tous les temps.
Internet apportera peut-être pour un temps limité le retour au Bon-sens. Un temps très limité, avant la reprise en main. Mais, je crains hélas que ne ce soit le contraire: Internet va devenir l'instrument du totalitarisme absolu, car celui qui tiendra Internet, ce ne sera pas l'Internaute... mais Big Brother, le monstre sans tête mais aux millions de tentacules.
De toute façon, l'évolution présente de l'humanité la conduit à la fourmilière, à la termitière, à la dégénérescence. Mais toute dégénérescence secrète une renaissance. L'humanité, tôt ou tard connaîtra une fantastique renaissance.
Observons de loin notre belle Terre. Des milliers de fourmilières comportant des millions de sujets naissent et prolifèrent sous nos yeux. Des colonnes innombrables d'esclaves processionnaires sillonnent sans cesse les routes à une vitesse accélérée, dans des avions de plus en plus rapides, de plus en plus grands.
Des milliards d'informations débridées, contradictoires, invisibles parcourent l’univers à la vitesse de la lumière. Des monstres d'acier bruyants et puants disputent le ciel aux oiseaux silencieux.
La mer, le sol, l'air sont rongés et ravagés par l'activité délirante de l’homme, détruisant tout sur son passage.
Mais aucun arbre n'est jamais monté jusqu'au ciel. Un retournement brutal et inattendu, renversera la vapeur, culbutera les insensés, remettra les hommes et les choses en place, sur la case départ d'où les objets les plantes, les animaux et quelques hommes repartiront pour une nouvelle aventure.

Appel
20 août 2000 – Il y a quelques années, nous nous sommes retrouvés à quelques amis de toujours, accompagnés de leurs épouses, conjointes ou concubines, autour d'une bonne table, 67, rue du Général-de-Gaulle, à Bourron-Marlotte.
Parmi nous, un intello autodidacte et anarchiste (moi), un poète ouvrier, un artisan du bois, merveilleux ouvrier, deux enseignants (l'un instituteur, l’autre professeur d'université), deux commerçants, un médecin, un avocat, un prêtre (croyant), un cadre supérieur et un PDG influent.
Nous avons bien déjeuné, nous avons bien bu, – merci petit Jésus, – nous avons beaucoup parlé et dit beaucoup de bêtises, et, avant la sieste, crapuleuse pour les uns, sage pour les autres, nous avons, entre hommes, refait le monde pour la millionième fois.
Lorsque des hommes refont le monde, il faut s'attendre au pire, rarement au meilleur.
D'ailleurs, les femmes, sauf deux d'entre elles qui participèrent vaillamment à nos joutes déconnantes, nos compagnes conversaient entre elles, parlaient chiffon, télévision, chien-chien, enfants, bagatelle, brocante.
Mais ce jour-là, grâce à la subtile alchimie du parler vrai, (du verbe allié au vin) et à une sincérité spontanée (la vérité infuse), nous avons parfois débloqué "juste".
Je vous livrerai prochainement ici même ces réflexions avec quelques commentaires. Chaque internaute peut librement se joindre à nous, s'il le souhaite, et participer à l'élaboration d'une Constitution libre établie non sur le Droit, mais sur le Bon Sens !

Éloge du bidet
08/09/2000 – Le bidet est avec la brosse à dents l'instrument hygiénique le plus utile d'un logement. Plus nécessaire qu'une douche ou que le lavabo. Jadis, quand la religion du confort n'avait pas encore désorganisé les cervelles, le bidet servait à se laver les pieds, le cul, les bijoux de famille et la foufoune après l'amour.
Jadis, au temps joyeux de notre bohême germanopratine, notre ravissante amie Hermine Le Mayeur de Merprès qui vivait à l'hôtel comme bon nombre d’entre nous, invitait volontiers ses amis dans sa chambre et leur offrait la sangria qu’elle préparait dans son bidet.


Aujourd'hui que chaque citoyen, même le mécontent, utilise davantage d'énergie que Louis XIV en personne, nul ne se contente plus du lavabo, du bidet, d'une brosse à dents et d'un gant de toilette pour son hygiène. C'est pourquoi la France et les pays développés ont de plus en plus de médecins, de médicaments, de plus en plus malades et qu'aujourd'hui « la maladie fait vivre davantage de personnes qu'il n'en meurt. »
1 décembre 2000 – Tout est en mouvement, tout bouge, tout change, tout roule, tout se déplace de plus en plus vite, de plus en plus massivement.
Il n'y a pas de centre, pas d'équilibre, rien n'est vrai, rien n'est durable, n’est éternel. La vérité d'hier est mensonge aujourd'hui, sera peut-être demain conviction.
Ce qui est vivant mourra et toute mort est renaissance. Les mille millards de millards d'électrons qui me composent se disperseront dans le l'univers et participeront à cette renaissance. Ainsi les électrons qui me composent me feront revivre au coeur d'une rose, molécule d'une bouse, et mes atomes dispersés vibreront pour former la musique des sphères.
Samedi 30 décembre 2000, neuf heures du matin. 
– Je me réveille en sursaut, à l'épilogue d'un rêve étrange.
Sur la grand-place d'une ville inconnue, j'aperçois, non loin de moi, Mary et Ed Maykut en compagnie de leur nièce. En se retournant, sur un signe de Mary fumant une Chesterfield au bout d'un long fume-cigarette blanc et or, Ed, me voyant, a un mouvement de recul. Pourtant Ed Maykut est un homme imperturbable qui sait garder son sang-froid en toutes circonstances. Colette me sourit la première, d’un petit sourire contraint.
La situation semble étrange. Mary est installée à l'arrière d'une longue voiture américaine blanche décapotée, vêtue d'une robe bleue et or très décolletée. Sa tête aux cheveux platine est mise en valeur par une immense capeline rose bonbon à ruban bleu.
Autour de la voiture, trois gros camions regorgeant de marchandises. Sous la bâche de l'un, je devine plutôt que je ne vois, des barres d'or et des sacs de billets de banque. La porte à bascule de l'autre laisse entrevoir des monceaux de langoustes et de homards en vrac parmi d'énormes boîtes de caviar iranien. Quant au troisième véhicule, il est clos, surveillé par deux gardes du corps armés et cagoulés.
Lorsque je surviens, Ed discute ferme et sec avec une sorte d'énorme apache à l'étroit d'un costume trois pièces sombre à rayures blanches, chemise noire et cravate blanche, chaussures acajou à bouts pointus, blancs.
Les deux hommes parlent en anglais, haut et fort. Mary, tout sourire, me fait signe d'approcher. Colette se penche vers le tableau de bord de l'immense auto et appuie sur un bouton. Sur l'arrière de l'auto s'ouvre une banquette de cuir fauve.
J'enjambe la carrosserie pour m'y installer.
Alors soudain, Mary jette sa cigarette à la figure de l'apache et dit à Ed: « Let's go".
Ed bondit au volant de l'auto et démarre sans se soucier de la foule évoluant en tous sens sur la place ni des autres véhicules garés n'importe comment.
La voiture fonce, n'écrasant miraculeusement personne, suivie des trois poids-lourds.
Nous voici sur une autoroute. Ed dans une livrée brun clair de chauffeur de maître arbore une casquette de joueur de base-ball.
Le temps se gâte. Une bourrasque de vent se lève. Ed appuie sur un bouton pour relever la capote. Une pluie glacée s'abat sur la chaussée. A l'arrière, dans le spider, je suis sans protection sous les rafales glacées.
Des motards remontent le long du convoi. Ils sortent des flingues. Tirent sur la voiture. Mary et Colette ripostent avec des kalachnikovs. Mary a gardé ses gants blancs. Les balles sifflent tourbillonnant autour de nous, rageuses. Mary est atteinte.
Colette la soutient. Ed accélère.
Nous passons devant un immense hôpital. "Non, pas là, pas là" gémit Mary. Ed fonce toujours, le visage grave, imperturbable, malgré les camions grondant dans le sillage de la Chevrolet.
Soudain, la voiture et son cortège passent sous l'Arc de Triomphe. Je distingue, inscrites en lettres d'or sur le monument :
Mary Maykut décédée le 30/12/2000, en pleine gloire.
La voiture fonce à travers le Bois de Boulogne et se retrouve bientôt (mystère du songe) devant les grilles monumentales du Père Lachaise. Elle remonte l’avenue centrale, traverse une foule dense, muette, en grand deuil et pénètre directement, dans un immense et monumental mausolée funéraire où quatre croque-morts déposent délicatement sur une dalle de marbre blanc le corps ensanglanté de Mary.


Charlotte


Carole Charvin-Schweizer
Charlotte vit auprès de moi depuis vingt ans. L'amour fou s'en est allé, discrètement, sur la pointe des pieds. Et au fond, je ne la connais pas. Elle ne me connaît pas.
Nous ne nous parlons plus guère. Nous vivons sagement côte à côte dans un confortable et bienveillant cocon, sans trop de turbulences, comme deux vieilles connaissances.
Elle aime Chiffon, je vis dans mes rêves et mes pensées... J'éprouve pour elle un amour profond, solide, une infinie tendresse. Elle fait partie de moi, mais elle n’est pas moi. Quand elle souffre, je souffre, mais pas dans ma chair, seulement dans mon esprit.
Charlotte est un des êtres les plus merveilleux, les plus extraordinaires que j'aie rencontré. Elle a été la chance de ma vie mais je ne suis pas certain que je sois la sienne.
Si je pouvais refaire ma vie, effacer certaines choses et recommencer, ce sont avant tout mes rapports avec Charlotte que je souhaiterais améliorer.
Le tourbillon de la vie nous a entraînés où nous sommes, sans nous permettre de nous mettre en harmonie, de nous imbriquer l'un à l'autre par le coeur et l'esprit.
Ce fut pareil avec mon père et avec ma mère. Nous ne nous sommes jamais vraiment rencontrés, attachés, compris.
Je suis né d'eux mais comme le coucou dans un nid étranger.
Avec Charlotte, c'est un peu la même chose. Donc cela vient de moi, pas d'elle.
En vivant à ses côtés, comme je vis, j'ai souvent la sensation de passer à côté de quelque chose d'immense, de merveilleux.
Pourtant, dans la vie réelle, quotidienne, c'est devenu entre nous une simple cohabitation.
Nous couchons dans le même lit, elle devant la télévision, moi plongé dans un livre. Je passe ma journée devant mon ordinateur. Elle sort seule, voit ses amis. Moi je sors rarement. Charlotte est vive, gaie, rapide, précise. Je suis lent, empoté, maladroit, obtus, rabâcheur, englué... Je ne voyage plus qu'autour de moi-même.
Et, lorsque je mourrai, dans cinq minutes ou dans dix ans, je partirai sur la pointe des pieds. Je n'apparaîtrai pas à mon enterrement. Mon corps brûlera au crématoire aux sons de Haendel, Haydn, Mozart ou Vivaldi tandis que Charlotte ou un ami lira quelques Roubaïat de Khayyam. Et les mille milliards d'atomes qui me composent retourneront au pot commun.
Quelques uns d'entre eux s'assembleront peut-être dans la molécule d’une rose ou d'une bouse, d'un coeur de poète ou d'un étron. "Je ne fus qu'un crachat verdâtre et puant vômi sur la route par quelque ivrogne infâme." (Marc Lénard)


2001
Nuit du 31 décembre 2000 au Ier janvier 2001 
- Autour de moi Paris fait la folle. Paris est en rut. Ivre elle bruisse de mille klaxons, éclats de voix, éclats de rire.
Elle fête bruyamment le "Millenium", dansant sur un tonneau de poudre dont la mèche est allumée. Le feu d'artifices sera terriblement beau, lorsque tout cela explosera.
2000 est mort, vive 2001! Le fabuleux XXe siècle est désormais une page tournée. L'extraordinaire Second Millénaire de l'ère chrétienne aussi.
Paris fait la fête, une fête moins bruyante, qu'il y a un an, au faux tournant du siècle. Déjà les hommes ont la gueule de bois.
Ce que je retiens de ce siècle: La population mondiale est passée en un siècle d'environ 1.650 millions de personnes à plus de six milliards. Elle a donc triplé en un siècle et plus que doublé au cours des 50 dernières années, tandis que sa diversité s'appauvrissait, des ethnies entières ont été exterminées par la civilisation.
Durant le même laps de temps, le monde végétal est animal s'est appauvri d'une manière dramatique, tant dans la diversité des espèces qu'en quantité absolue, sauf pour certaines espèces artificiellement privilégiées.
La technologie triomphante nous a valu des inventions fabuleuses et des inventions catastrophiques.
Une poignée d'hommes, environ 1000 personnes, est plus puissante que les plus grands monarques d'autrefois.
A un état patriarcal de droit divin largement répandu, a succédé un état de droit s'affirmant démocratique, qui s'est éloigné de l'état souhaitable de bon sens...
15 février 2001 – Ça y est, me voilà retraité... J'espérais mourir avant ! Une retraite magnifique de 2887 F par mois soit 34.644 F par an ou 5244 euros.
11 mars 2001 – Je vis dans la brume. Tout devient flou. Mon état général aussi devient bizarre. Souvent, tout tourne. Je perds l'équilibre. J'éprouve une grande fatigue...
Quand viendra l'heure, serai-je prêt ? Je ne me sens bien que devant APO, mon fidèle Mac qui me relie au monde extérieur via Internet.
Je ne vis plus qu'en moi-même, où les pensées, les projets se bousculent. Mon esprit encore vif se dilue en une réalité virtuelle...
Mes rêves font la liaison entre la réalité et le néant.
Aujourd'hui Charlotte est à Bourron. Lorsque je m'éveille il me semble entendre et voir Chiffon gratter sa niche...
Mon immense regret, ma douleur lancinante est de n'avoir pas su rendre Charlotte vraiment heureuse. Cet être merveilleux que je côtoie depuis plus de vingt ans, avec qui je cohabite sans jamais entrer en fusion, en communion; cet être droit, riche, en réserve de puissance, qui m'apporta les plus grandes joies et un bonheur égoïste, n'aura pas reçu de moi ce qu'elle était en droit d'attendre : une affection tendre, un amour visible. Pourtant, cette affection je l'éprouve, cet amour je le ressens. Mais je suis gauche dans ma tendresse, maladroit dans mon affection, je ne sais pas exprimer mon amour simplement.

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23 mars 2001 – Chez Claude Arz, la Nuit des grands initiés.
Claude, fils d'un célèbre guérisseur de Quimper, organise chaque mois une rencontre autour d'un thème. Cette nuit j'ai parlé librement de mon parcours, de ce que je savais, de ce que je croyais...
Cela s'acheva par un pugilat verbal hors sujet sur la restauration des tableaux, la réhabilitation des monuments, etc. Sujet cher à Balthus qui vient de mourir et à Sylvie Dubal.
Ma réflexion : On devrait confier la réhabilitation des oeuvres d'art à des artistes au goût sûr, à la main juste, à la technique infaillible.
Alexandre Dumas disait : On peut violer l'Histoire, mais à condition de lui faire un enfant.
Jadis, il existait des copistes admirables. Pourquoi ne pas faire exécuter une copie de chaque chef d'oeuvre par des artistes de talent.
Jadis les élèves apprenaient auprès des maîtres...Claude Arz nous apprit que de nos jours seules les copies des oeuvres d'art les plus rares voyageaient d'exposition en exposition à travers le monde. Il était en effet devenu beaucoup trop coûteux aux organisateurs de ces manifestations d’assurer les oeuvres originales. Aussi, les millions de visiteurs amateurs d'art n'étant plus des connaisseurs, on les bernait facilement, experts compris, avec de jolies copies habiles...
15 mai 2001 – Analyses sanguines désastreuses. Trop de cholestérol, trop de sucre (le diabète rôde autour de mon corps et guette). Trop de tension…
20 mai 2001 – Alcool. J'ai tenu 6 jours 144 heures
25 mai 2001 – La nuit descend lentement. Je lis à peine. Tout devient de plus en plus flou. Sur mon ordinateur, je tape mes textes en corps 18 ou 24. Dans ma tête également le flou gagne. Je vis dans un univers floconneux. Seuls certains rêves, – et je rêve beaucoup – restent beaux, nets, avec des couleurs magnifiques.
Cette nuit, par exemple, je me suis réveillé sur les dernières images d'un rêve très beau.
Au Danemark, je suis assis auprès d'une vieille amie très belle et très élégante qui, au volant de sa luxueuse voiture me conduit vers une contrée vallonnée où surgissent d'étranges montagnes au paysage soigné, aux roches impeccables, à mi chemin entre le paysage chinois et les dessins de Töpffer.
A un moment donné, au bord de la route, près d'une usine désaffectée, gisent en contrebas d'une prairie soignée, impeccable, deux vastes containers blancs, dont les couvercles entrebâillés laissent entrevoir des sucreries, des bonbons, des friandises...
Ma compagne, les yeux illuminés par un désir furtif, détourne la tête... et accélère.
Nous entrons dans les collines, roulons lentement, sous les frondaisons d'arbres centenaires aux essences variées. Des glands, des aiguilles de pin, de petites fusées de pollen font la fête autour de nous.
Au tournant d'un virage en épingle à cheveux, surgit un belvédère couronné d'une végétation magnifique, formé de parois rocheuses trouées, ouvrant sur des paysages en perspective. Les lointains bleus de la peinture italienne. Au milieu de ce tableau un homme apparaît solitaire, vêtu avec élégance, la soixantaine raffinée. Il nous salue de la main, esquisse un sourire, puis disparaît lentement derrière un bouquet de rameaux.
Cataracte. L'opération de l'oeil droit est pour lundi...
28 mai 2001 – Opération de l'oeil droit. Pas d'appréhension. Au pire j'apprendrai le braille ou me rendrai au Népal visiter mon glacier préféré dont dix mille ans plus tard de surgirai en blue-jean, portable et Nomade.
L'opération se déroule dans une clinique remarquablement tenue, dans une ambiance sereine. Je garde mes prothèses et mon slip sans que les infirmières ne vérifient.
Aucune douleur, je converse avec le toubib.
Dans la chambre d'observation je me régale d'un délicieux café au lait suivi, deux heures plus tard d'un sublime plateau-repas plein de bonnes choses.
30 mai 2001 – La coquille enlevée: je ressemble à Frankenstein. Mais je vois. Lumière violente. Couleurs crues. Blanc assourdissant. Mais je vois.
Le Dr Cornic me propose d'opérer le second oeil dans la foulée, le 25 juin...
25 juin 2001 – Même clinique. L'ambiance a changé. Dès le départ je sens un désordre... Une grosse femme revêche et vulgaire procède aux inscriptions. Elle se dispute avec ses collègues, des insultes fusent, les aide-soignantes et les brancardiers noirs sont nerveux, furieux, excités.
Dans la chambre de repos j'attends, allongé que l'on vienne me chercher. J’ai revêtu moi-même, mais noué de travers, la chemise bleue des candidats à l'opération. Surgit alors une furie pressée qui, voyant ma tenue, m'apostrophe:
– Non, enlevez-moi ce slip, il faut vous présenter nu pour l'opération... Avez-vous des prothèses... Il faut enlever tout ça...
Evidemment, je n'en fais rien.
Un brancardier noir me fait grimper puis allonger à bord de son engin et fonce dans le couloir, heurtant brusquement sa machine à chaque tournant aux parois de la clinique.
Enervé devant le monte-charge qui n'arrive pas, il éructe, jure et vocifère contre l'ascenseur, dans lequel, une fois les portes ouvertes il engouffre mon chariot avec violence...
Je le calme, mais il me dit que ce matin tout va de travers, qu'ils sont en retard, que les toubibs s'impatientent...
Dans la salle de préparation, il règne un petit vent de folie.
Heureusement que l'anesthésiste puis le chirurgien arrivent, l'un après l’autre, calmes et compétents.
L'opération, comme la première fois se passe très bien.
30 juin – Je vois à nouveau des deux yeux... Mais la palette de couleurs a changé.
Dimanche 29 juillet 2001 – La débâcle. Les couilles ne répondent plus. Le cerveau s'englue. Les neurones fonctionnent avec une lenteur désespérante.
L'égoïsme de la vieillesse réside dans la conscience que tout fout le camp. Il est six heures du mat. Il fait déjà chaud. Dehors deux pigeons roucoulent.
Science: Les mystères à résoudre. Invisibilité (le pouvoir de se rendre invisible). Traverser la matière solide Energie illimitée Atteindre la vitesse la lumière.
Frontières de l'homme : Notre peau.
Pouvoirs de l'homme : la parole, les mots, l'écrit.
La civilisation commence avec le dessin, l'outil, la parole, l’alphabet.

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Joseph Sigward
Il a rendez-vous chez moi avec Pierre-Jean Crouin de Radio-Courtoisie, une radio libre, subsistant sans subventions, des cotisations de ses auditeurs, haïe par tous les valets des pouvoirs politiques et de l'argent, qu'ils soient de "droite" ou de "gauche".
Il est l'auteur de deux livres "parfaits", que j'aime beaucoup : Jeannne-Marguerite de Montmorency : une mystique oubliée et Le Barbare et la jeune juive.
Ces deux ouvrages remarquables ont eu de la difficulté à paraître et à se faire diffuser. Ils ne sont d'ailleurs toujours pas diffusés. Absents des librairies, des FNAC, ils ont eu mille lecteurs pour l'un, cent pour le second. Par contre Je les ai aimés spontanément, absolument, j'ai aimé leur style, comme j'ai aimé la poésie forte, de J.F.F. sur manuscrit, avant même qu'elle soit publiée.
Ce qui est curieux, mais ne me chagrine guère, c'est que la plupart des oeuvres que j'ai aimées, que ce soit en peinture, en sculpture, en poésie, en littérature générale, ont eu peu de succès. Elles sont encore à découvrir. Je donnerais ma main gauche à couper qu'elles trouveront leur chemin, leurs « fans", comme on dit aujourd'hui.
Espinouze, Sylvie Dubal, Jacqueline Frédéric Frié, Joseph Sigward, Albert Caraco, Baudouin de Bodinat, sont des génies et dans une ou deux générations, ou plus tard, on les découvrira. On les portera aux nues. On vitupérera les générations d'incultes qui les ont ignorées.
Mais pour moi, pour mon ego, pour mes certitudes, je ressens cette non-reconnaissance de l'élite, des clercs, de tout ce que j'aime comme un échec. Je n’en souffre pas, du moins, je le proclame, mais tout de même.
Jeanne-Marguerite de Montmorency et Le Barbare et la jeune juive sont pour moi d'absolus chefs d'oeuvre littéraires, du même ordre que Le Rouge et le Noir et La Chartreuse.
N'étant pas Balzac, je ne puis renverser le destin de ces oeuvres en écrivant soixante pages à leur gloire.
Moi-même n'étant rien, comment forcer le destin?
5 août 2001 – Oyez, jeunes gens! Nous vivons, nous Européens, la plus étonnante, la plus merveilleuse époque de tous les temps. La plus tragique aussi.
La liberté est totale pour les moeurs bridée pour les idées. Aujourd'hui, même les cons ont leur mot à dire. Les ignares, les imbéciles ont acquis le droit à la parole.
Les voyous et les criminels sont protégés. Les pédés, à l'ombre du pacs, peuvent librement enculer les petits garçons qu'il ont adoptés.
Après avoir avoir ravagé les trois quarts du monde, les communistes sont toujours au pouvoir. Les Bolchos sont devenus des Mafieux et tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ceux et celles qui n'ont rien à dire, qui ont un pois chiche dans une tête vide sont écoutés. Les plus ignobles menteurs paradent à la télé insultant les gens simples qui se taisent et se terrent. Les sionistes et les bougnoules colonisent impunément notre vieux monde. Seuls les Tchétchènes, les Serbes, les catholiques pratiquants, les talibans, les Palestiniens, les Karens, ont encore le droit d'être exterminés sans procès, massacrés sans qu'intervienne la
bonne conscience universelle.
Oui, mes amis, nous vivons une des plus extraordinaires époque de tous les temps. Mais chaque époque, n'est-elle pas, pour celui qui la vit, la plus extraordinaire ?
19 août 2001 – "Il n'y a que deux endroits où l'on paye pour avoir le droit de dépenser, les latrines publiques et les femmes."
A ce constat de Baudelaire dans "Mon coeur" mis à nu", il convient d'ajouter le Ministère des finances...
Extraits de mon journal (suite)
11 septembre 2001 – La médiatisation des attentats terroristes sur New-York et sur le Pentagone sont la démonstration parfaite que nous vivons aujourd'hui en pleine "Civilisation du spectacle".
Déconnage permanent. La stupidité des intervenants choisis par les chaînes (sauf rarissime exception), l'aculture des Seigneurs présentateurs, leurs bafouillages, réjouissent toute personne restée lucide dans cet incroyable cafouillage!
Depuis deux jours je numérise "Le Bréviaire du Chaos" d'Albert Caraco.
Son ouvrage d'imprécateur athée et visionnaire tombe pile/poil dans le déconnant contexte ambiant. J'en glisse quelques pages sur Internet, sans demander l'autorisation à l'auteur disparu, ni à l'éditeur (L'Age d'Homme).
Ce que je ressens devant cet événement sortant de l'ordinaire :
La première puissance du monde, possédant l'armée la plus redoutable et les services de renseignement réputés les plus performants, n'ont rien prévu, rien vu du danger.
Une poignée d'hommes déterminés, motivés, prêts à risquer leur vie comme tout militant ou militaire qui se respecte, parvient à infliger à un adversaire très puissant une énorme gifle, une terrible démonstration de force, un incroyable dommage tant matériel que de prestige!
Ce qui prouve que jamais rien n'est acquis, que David peut vaincre Goliath, et qu'il ne faut jamais désespérer.
Les médias pointent du doigt Ben Laden. Eh bien, vive ben Laden! Car, s'il est l'organisateur de ces attentats contre le plus puissant pays du monde, il est un génie de la guerre.
Ben Laden aurait pu faire sienne cette pensée de Sun-Tsé :
"Quelques critiques que puissent être la situation et les circonstances où vous vous trouvez, ne désespérez de rien; c'est dans les occasions où tout est à craindre, qu'il ne faut rien craindre; c'est lorsqu'on est environné de tous les dangers, qu'il n’en faut redouter aucun; c'est lorsqu'on est sans aucune ressource, qu'il faut compter sur toutes; c'est lorsqu'on est surpris, qu'il faut surprendre l'ennemi lui-même." (Sun-Tsé: L'Art de la guerre).

Nous allons vivre des journées passionnantes.

Les Tours jumelles du Central Trade building






Mercredi 12 septembre 2001 – La Télévision délire jour et nuit. On dirait que l'Amérique vient de vivre un épisode inédit d'« Apocalypse now ». Pour ceux qui vivent cela c'est une tragédie. Mais ils sont morts. Il y a d'innombrables blessés.
Ces opérations terribles ne sont que le juste retour de bâton d'une politique injuste envers d'autres nations de la part des dirigeants sans scrupules d’une Amérique arrogante.
Une poignée d'hommes courageux et déterminés ont réussi, en sacrifiant leurs vies, de porter le fer et le feu sur les symboles même de cette arrogante dictature, vengeant les destructions et les morts de Serbie, de Palestine et d'ailleurs.
A chaud, j'ai adressé ce couriel à quelques rédactions de journaux et de télévision :

Madame, Monsieur
Depuis quelques heures, étourdi, abasourdi, suffoqué j'écoute, j’entends, je lis vos commentaires et regarde les images de votre organe de presse.
En tant que citoyen, je ne me sens pas fier du tout de votre travail de désinformation.
Il y a deux ans, lorsque les Etats-Unis, avec la complicité active de la France, de la Grande Bretagne et de quelques autres nations européennes, noyaient sous les bombes, sans déclaration de guerre, un pays allié et ami, la Serbie, en proie à une attaque terroriste sans précédent, votre organe de presse hurla avec les hyènes, approuvant presque à l'unanimité, ces actes odieux, barbares, provoquant des dizaines de milliers de victimes innocentes, détruisant les infrastructures d'une nation qui avait courageusement résisté à Hitler et à Staline.
Je me souviens encore de vos ignobles propos, de vos commentaires indignes d'hommes civilisés lorsque l'immeuble de la radio serbe fut incendié et détruit par un missile, lorsque les avions de l’OTAN écrasèrent sous un déluge de bombes les infrastructures civiles et militaires de cette courageuse nation amie et alliée.
Aujourd'hui, d'innombrables innocents d'un autre pays ami, les Etats- Unis, paient l'infamie de leur gouvernement.
Nous sommes très nombreux à travers le monde à nous féliciter sincèrement que le Pentagone et le World Trade Center aient été partiellement détruits par des hommes de conviction, intrépides, qui y ont laissé leur vie pour la liberté et l'honneur de tous les hommes opprimés, mais nous déplorons tout aussi sincèrement les victimes innocentes que ces actes de guerre ont entraînés.
Ces événements, néanmoins, représentent un immense espoir pour tous les hommes: les Maîtres et Seigneurs qui nous gouvernent, nous abêtissent, nous exploitent et tentent de nous réduire en esclavage, les salopards qui salopent la planète pour s'enrichir, ces infâmes ne seront plus jamais à l'abri d'une juste correction, où qu'ils se trouvent... et cela nous réjouit.
Dieu soit loué, une justice immanente existe.
Dommage que vous n'ayez pas le courage de montrer l'immense espoir que ces actes tragiques soulèvent à travers le monde.
Un peu partout, d'un bout à l'autre de la planète, des explosions de joie, des embrassades, des liesses incroyables, des fêtes spontanées ont accueilli cette modeste petite revanche des opprimés. Aujourd'hui nous savons que Goliath, le Veau d'or, et l'arrogante Amérique ne sont plus invincibles.
Mais ce n'est certainement pas fini... La guerre pour l'indépendance et la liberté sera longue...
Deux ans avant l'écroulement de l'empire soviétique personne n’osait imaginer sa fin. Les voyantes, les experts et les politologues se sont tous trompés et ridiculisés.
Mesdames, Messieurs les faiseurs d'images, de discours, de pronostics,
il vous faut relire Albert Caraco, Baudouin de Bodinat, Guy Debord, Ernst Jünger et Sun Tsé.
Aujourd'hui, quelques hommes décidés peuvent détruire une ville, faire sauter une centrale atomique, empoisonner et désorganiser un pays.
Demain, un avion de ligne détourné par des terroristes, s'écrasera sur l'usine de la Hague ou sur une Centrale atomique quelque part dans le monde.
Or, tout ce que l'homme peut faire, il le fera. Le meilleur et le pire.
Souhaitons que la leçon serve, mais personnellement, je ne le crois pas.
Nos gouvernants continueront à nous mener à la catastrophe, vous médias poursuivrez votre désinformation pour préserver votre audimat, et nous serons tous entraînés, bon gré mal gré vers la termitière ou l'horreur.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur...

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Dimanche 16 septembre 2001 – La tragi-comédie médiatique se poursuit, de plus en plus inepte et de plus en plus bavarde. La Société du Spectacle, mise en lumière et épinglée jadis par Guy Delord, nous offre ces jours-ci la quintessence grotesque de son pouvoir.
La vision mille fois répercutée, sous tous les angles, sur toutes les chaînes de télévision du monde, de ces avions de ligne aux passagers otages, réquisitionnés avec des couteaux de poche et des cutters, par de courageux et fanatiques kamikazes, venant se jeter contre les tours du symbolique et arrogant World Trade Center, restera un souvenir aussi émouvant, tragique et fort que les premiers pas de l'homme sur la Lune ou, s'il y avait eu une camera, l'incendie du temple d’Ephèse par Erostrate, en 356 av. J.-C., la nuit même où naquit Alexandre-le-Grand.
Aujourd'hui, plusieurs jours après l'événement, les ruines fument encore et moins de deux cents corps sur les 5.000 personnes estimées disparues ont été sorties des décombres. On a arrêté ici et là quelques présumés complices des "glorieux soldats de l'ombre" qui ont vengé tous les pauvres du monde.
Depuis l'événement, la télévision quelle qu'en soit la chaîne, n'ose montrer sinon furtivement, avec d'insignes précautions, les images des milliers de rassemblements dans le tiers monde et dans les banlieues de nos villes d’Occident, clamant leur joie et leur appui aux héros de cette tragique épopée.
Juste avant l'impact des quatre avions de ligne détournés avec leurs passagers pour une mission suicide, les médias nous informaient du perfide attentat réalisé contre le Commandant Massoud, le "Lion du Panchir", un homme honorable, véritable, admirable, une figure de légende dans le milieu de minables nimbus que nous sommes.
Ce Héros, a probablement été vaincu par Oussama ben Laden.
Ces événements vus à travers ma "lorgnette" m'inspirent un message personnel que j'adresse ce jour à l'Ambassade américaine de Paris et que j’envoie pour "répercussion" (sic) à quelques amis sur l'Internet.
Monsieur le Président,
Constatant avec le plus vif déplaisir la consternante incompétence et la lamentable incurie de vos innombrables et pléthoriques Services Spéciaux, (notamment le CIA), de vos forces armées (US Army) et de votre police intérieure (FBI), je vous suggère pour redorer votre blason et restaurer la confiance de votre pays et de vos nations-liges (dont les miennes), de proposer... allons, disons 10 milliards de dollars voire 100 milliards, à Ousmane Ben Laden, pour devenir votre bras droit et votre homme de confiance. En politique, il faut toujours placer "The right man at the right place".


Avant de ridiculiser votre présidence, votre pays et votre pouvoir, Ben Laden fut l'homme de main de l'un de vos éminents prédécesseurs. Il aida le peuple afghan, grâce à vos sous et à vos armes, à mettre en déroute l'armée soviétique, alors réputée imbattable.
Il existe encore, je le sais, parmi les vétérans retraités de vos services, quelques seniors qui ont manipulé Ben Laden et qui le connaissent bien.
Une telle action de retournement sera peut-être moins glorieuse mais beaucoup moins coûteuse et surtout très efficace pour votre gouvernement, vos affaires et votre pays aujourd'hui vexé, traumatisé, humilié, souffrant dans sa chair et dans son amour propre.
Sachant que vous êtes près de nos sous, donc économe des finances de votre pays, je souhaite sincèrement que ma suggestion vous permette d'éviter la coûteuse tartarinade que vous conseillent vos faux amis et vos glorieux et imbéciles conseillers.
Rien ne vous empêchera, vous ou votre successeur, de faire liquider gentiment Ousmane lorsqu'il ne servira plus à rien et que l'on ne parlera plus de lui, et en tous cas avant qu'il n'écrive ses Mémoires.
Si jamais, il venait à refuser votre généreuse proposition, alors, le mieux que vous ayez à faire, sera de ne rien faire... d'attendre patiemment, car de deux choses : il serait véritablement l'envoyé de Dieu et ce serait la preuve que Dieu existe, ou bien ses amis finiraient par le trahir et vous le livrer pour quelques deniers, ce qui vous permettrait d'être le maître de "Dieu", et de le juger. Il existe des précédents.
Enfin, pardonnez-moi d'être un peu longuet, mais je voudrais vous faire bénéficier de deux apophtegmes qui pourraient enrichir les discours un peu tristounets, voire défaitistes de vos nègres :

« Mon aile gauche est enfoncée, mon aile droite en déroute, ma cavalerie se débande, mes canons manquent d'obus, ma marine est en flammes, mes ministres font dans leur froc, il est temps que j'attaque ! » (attribué à Napoléon)

Ma main respectueusement amie, signé Pierre Genève


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